Blog de chroniques de lectures variées et diverses :
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vendredi 30 août 2019

Taqawan





Auteur : Eric Plamondon
Editions : le livre de poche




« Ici, on a tous du sang indien et quand ce n’est pas dans les veines, c’est sur les mains. » 11 juin 1981. Trois cents policiers de la sûreté du Québec débarquent sur la réserve de Restigouche pour s’emparer des filets des Indiens mig’maq. Émeutes, répression et crise d’ampleur : le pays découvre son angle mort.
Une adolescente en révolte disparaît, un agent de la faune démissionne, un vieil Indien sort du bois et une jeune enseignante française découvre l’immensité d’un territoire et toutes ses contradictions. Comme le saumon devenu taqawan remonte la rivière vers son origine, il faut aller à la source… Histoire de luttes et de pêche, d’amour tout autant que de meurtres et de rêves brisés, Taqawan se nourrit de légendes comme de réalités, du passé et du présent, celui notamment d’un peuple millénaire bafoué dans ses droits.
Paru le 27 février 2019

Mon avis :

Si vous me suivez un peu, vous n'êtes pas sans savoir à quel point j'aime le concept le poche du mois du Picabo River Book Club.  Une fois encore, j'ai fait une superbe découverte avec cette nouvelle lecture, sombre violente et passionnante !

Le 11 juin 1981, les policiers québécois investissent la réserve de Restigouche des Indiens mi'gmaq avec force et brutalité. L'enjeu : confisquer les filets de pêche dont ils se servent pour survivre. C'est un véritable choc culturel entre des traditions ancestrales et des réglementations politiques avant tout... Se joue ce jour-là un bras de fer pour asseoir la souveraineté du Québec et ses velléités d'indépendance...mais la révolte gronde et la crise prend de l'ampleur .
 Quatre  personnages totalement disparates, pas toujours d'accord, vont être emportés dans le tourbillon de cette "guerre du saumon" : Yves Leclerc, garde-chasse démissionnaire devant la violence des forces gouvernementales, Caroline jeune enseignante française et William un vieil indien solitaire se rassemblent autour d'Océane, jeune mi'gmaq violentée par des policiers. Ils vont se trouver en butte avec ses agresseurs qui se sentent intouchables de par leur fonction.

Tout comme les saumons Taqawan qui remontent à la source, l'auteur remonte le temps et nous "raconte" l'Histoire à travers des chapitres très courts sur les légendes, sur la colonisation, sur la politique, sur la société qui s'insèrent dans le récit et lui donne une dimension supplémentaire. La construction éclatée du roman est à la fois très originale et extrêmement maîtrisée. Le livre sort des sentiers battus, tantôt polar avec une poursuite effrénée et des morts, tantôt récit naturaliste, tantôt pamphlet politique, tantôt traité anthropologique, il est inclassable mais rassemble toutes ces dimensions pour offrir aux lecteurs un roman passionnant  qui dévoile les contradictions du Québec.

Mon avis📚📚📚📚




mercredi 21 août 2019

Ici n'est plus ici




Auteur : Tommy Orange
Editions : Albin Michel
Collection : Terres d'Amérique



À Oakland, dans la baie de San Francisco, les Indiens ne vivent pas sur une réserve mais dans un univers façonné par la rue et par la pauvreté, où chacun porte les traces d'une histoire douloureuse. Pourtant, tous les membres de cette communauté disparate tiennent à célébrer la beauté d'une culture que l'Amérique a bien failli engloutir. À l'occasion d'un grand pow-wow, douze personnages, hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, vont voir leurs destins se lier. Ensemble, ils vont faire l'expérience de la violence et de la destruction, comme leurs ancêtres tant de fois avant eux.
Débordant de rage et de poésie, ce premier roman, en cours de traduction dans plus d'une vingtaine de langues, impose une nouvelle voix saisissante, véritable révélation littéraire aux États-Unis. Macadam Indian a été consacré « Meilleur roman de l'année » par l'ensemble de la presse américaine. Finaliste du prix Pulitzer et du National Book Award, il a reçu plusieurs récompenses prestigieuses dont le PEN/Hemingway Award.
Paru le 21 août 2019

Mon avis

Tout d'abord je tiens à remercier vivement le #PicaboRiverBookClub et plus particulièrement Léa ainsi que les Editions Albin Michel  et leur superbe collection Terres d'Amérique pour cette belle découverte...
Si dans un premier temps j'ai été un peu déstabilisée par la construction du roman, j'ai été très vite emportée par cette-ces histoire(s) aux multiples ramifications... Une superbe lecture !

Le roman s'ouvre sur un prologue à la première personne du pluriel, voix porte-parole dont le chapitre Entracte en milieu d'ouvrage sera le miroir, retraçant le destin des autochtones d'Amérique dans le temps et dans l'espace, prologue essentiel qui pose le socle de toute la narration. Les Indiens ne sont plus seulement ceux de l'imaginaire populaire, cantonnés dans des réserves, ils ont investi les villes, se sont adaptés à ces nouveaux milieux de vie mais cependant leur histoire passée leur colle à la peau...

 "Nous sommes l'ensemble des souvenirs que nous avons oubliés qui vivent en nous, que nous sentons, qui nous font chanter et danser et prier comme nous le faisons, des sentiments tirés de souvenirs qui se réveillent ou éclosent sans crier gare dans nos vie [....]" p.17

12 voix prennent ensuite le relais tour à tour,  12 personnages singuliers : Tony Loneman, Dene Oxendene, Opale Viola Victoria Bear Shield, Edwin Black, Bill Davis, Calvin Johnson, Jacquie Red Feather, Orvil Red Feather, Octavio Gomez, Daniel Gonzales, Blue, Thomas Frank qui n'ont à première vue rien à voir ensemble si ce n'est leur appartenance au peuple indien des villes. Les chapitres sont dédiés à chacun d'eux, s'entrecroisent et quel plaisir de voir se tendre peu à peu les fils qui rattachent tous ces protagonistes, comprendre ce qui les relie, et les suivre vers le grand jour du pow-wow à Oakland où ils ont tous rendez-vous avec leur destin ! 

Aucun d'entre eux n'est heureux, tous sont englués qui dans la misère, qui dans la solitude, qui dans une quête fondamentale.... on y trouve la colère, le désespoir, l'espoir aussi.. et  le poids de l'héritage, l'appartenance, les traditions, il y est question de racisme, de se fondre dans la société, dans sa propre famille, il y a le métissage et le mélange des cultures, il y a l'Histoire.... il y est aussi question des racines profondément ancrées en chacun dont on ne peut se défaire,  d'une jeunesse paumée qui cherche à se définir ...

Chaque personnage est extrêmement dense, réaliste, saisissant..  certains inoubliables...

Et quelle belle plume ! Le récit est vivant, les dialogues authentiques et j'ai relevé nombre de passages superbement écrits avec sensibilité, émotion et une telle justesse, sur la filiation, sur les origines, sur le mal de vivre, sur les dérives de l'assimilation.
Je pense en particulier au premier chapitre sur Thomas Frank qui sonne comme une incantation ... tout simplement magnifique ! Et que dire de l'incroyable scène finale..... à couper le souffle !

12 vies, 12 personnages qui vont se croiser dans ce grand pow-wow de l’Oakland où le destin va une fois de plus rejouer une partition connue sur fond de battements de tambours...

Un drame passionnant, violent, émouvant, poétique, sombre, un patchwork fascinant de vies d'indiens des villes, et dont ces quelques mots prolongent le si beau titre :

" Etre Indien en Amérique n'a jamais consisté à retrouver notre terre. Notre terre est partout ou nulle part. " (p.19)


Mon appréciation📚📚📚📚,


mardi 13 août 2019

La librairie des rêves suspendus





Auteur : Emily Blaine
Editions : Harlequin



Sarah, libraire dans un petit village de Charente, peine à joindre les deux bouts. Entre la plomberie capricieuse de l’immeuble, les murs décrépis et son incapacité notoire à résister à l’envie d’acheter tous les livres d’occasion qui lui tombent sous la main, ses finances sont au plus mal. Alors, quand un ami lui propose un arrangement pour le moins surprenant mais très rémunérateur, elle hésite à peine avant d’accepter. C’est entendu : elle hébergera Maxime Maréchal, acteur aussi célèbre pour ses rôles de bad boy que pour ses incartades avec la justice, afin qu’il effectue en toute discrétion ses travaux d’intérêt général dans la librairie. Si l’acteur peut survivre à un exil en province et des missions de bricolage, elle devrait être capable d’accueillir un être vivant dans son monde d’encre et de papier… Une rencontre émouvante entre deux êtres que tout oppose mais unis par un même désir : celui de vivre leurs rêves.  
Paru le 5 juin 2019

Mon avis :

Cela faisait un bon moment que je n'avais pas lu de romance et après un livre éprouvant, dur, violent, j'avais besoin de légèreté, de jolis sentiments, de distraction. C'est donc avec plaisir que j'ai commencé cette histoire.
J'ai beaucoup aimé la première partie qui met en scène les personnages, le décor, c'est très joliment écrit, avec simplicité mais avec suffisamment de détails pour rendre chaque protagoniste attachant : Sarah, touchante de réserve, de gentillesse, de maladresse, Maxime exaspérant de mauvaise foi, de désinvolture... mais attendrissant aussi...
Deux personnages que rien ne destinait à se rencontrer et qui par le biais d'un ami commun,  vont cohabiter...

Et c'est là que tout se gâte.... Je crains d'avoir lu trop de romances et de ne plus savoir les apprécier... je n'ai pas du tout aimé les relations entre eux, du déjà vu, déjà lu, c'est tellement prévisible.... Alors dans une romance on connait la fin avant de commencer sa lecture me direz-vous, certes .... mais est-on obligé de toujours rendre les premiers échanges difficiles, de toujours commencer par des rapports conflictuels... J'aurais aimé un peu plus d'originalité dans le déroulé des événements.

Ceci dit, il reste bien des côtés qui m'ont charmée comme cette petite librairie encombrée, pleine de vie avec ses livres de seconde main,  les non-dits de Maxime qui prennent une dimension particulière dans ce lieu précis, l'amitié qui est une vraie valeur dans le récit.

Une lecture distrayante, servie par une plume simple mais très plaisante et qui, si elle ne m'a pas complètement conquise, n'en reste pas moins une lecture agréable.

Mon avis📚📚📚,


jeudi 8 août 2019

L'estrange malaventure de Mirella




Auteur : Flore Vesco
Editions : L'école des Loisirs



Moyen Age. Les rats ont envahi la paisible bourgade d'Hamelin. Vous croyez connaître cette histoire par cœur ? Vous savez qu'un joueur de flûte va arriver, noyer les rats en musique, puis les enfants d'Hamelin ? Oubliez ces sornettes : la véritable histoire est bien pire, et c'est grâce à Mirella, une jeune fille de 15 ans, qu'on l'a enfin compris. Jusqu'ici, elle passait inaperçue en ville qui s'intéresserait à une porteuse d'eau, à une crève-la-faim, une enfant trouvée ? Seulement voilà, Mirella a un don ignoré de tous : elle voit ce que personne d'autre ne voit. Par exemple, elle a bien repéré ce beau jeune homme en noir, qui murmure à l'oreille de ceux qui vont mourir de la peste... Et ça lui donne une sacrée longueur d'avance. Y compris sur le plus célèbre dératiseur de tous les temps.
Paru le 17 avril 2019

Mon avis :

Comme chaque année #BBenlivre  (Booktube et la Blogo en livre) a débuté en juillet, j'aime infiniment cet événement qui met en lumière la littérature jeunesse. Chaque jour,  des articles ou vidéos sont publiés pour rendre hommage à un auteur jeunesse, un thème, un titre ou une série et un super concours est organisé.
Cette année je me suis inscrite au off pour ajouter ma petite pierre à l'édifice 😊

Pourquoi ai-je décidé de participer ? Je lis tout un tas de livres dans des genres divers et variés et j'aime revenir très régulièrement vers la lecture jeunesse dans laquelle  j'ai trouvé nombre de pépites. Aujourd'hui, je vais vous présenter 'une de ces pépites dont on ne parle pas assez à mon sens.

Revisiter un conte est un art difficile. Bien des auteurs s'y sont essayé avec plus ou moins de réussite et Flore Vesco en s'attaquant au Joueur de flûte de Hamelin a relevé le gant avec succès ! 
En reprenant la trame du récit originel  (dont le résumé est très judicieusement glissé en prologue), elle en a gardé l'âme tout en y apportant une vraie modernité et une inventivité folle. 

Les éléments sont tous là : le village au Moyen Age, l'invasion des rats, le bourgmestre, les enfants, le joueur de flûte, un peu de magie.... mais l'auteur a choisi de mettre au centre de la narration Mirella jeune fille astucieuse, joyeuse et pleine d'entrain toujours prête à aider autrui et à chantonner. Quelques personnages supplémentaires viennent étoffer l'histoire, le jeune Pan qu'elle prendra sous son aile, le mystérieux Peest... etc.... et le conte prend une toute autre densité. Un tas d'aventures passionnantes vont arriver à tout ce petit monde, aventures teintées de fantastique parfois dont je me garderai bien de révéler la teneur, ce serait bien dommage de trop en dire !

Outre la trame ingénieuse de l'histoire parfaitement maîtrisée qui oscille entre noirceur (les rats, la peste...) et allégresse (la musique, le chant...), il y a tout un univers qui est dépeint d'une plume vivante. Le lecteur est totalement immergé dans le Moyen âge dont toute l'imagerie est présente : la misère, les conditions de vie insalubre, les mendiants, les lépreux, la religion, la médecine, la justice expéditive et les exécutions publiques... mais tout cela présenté avec une légèreté incroyable, un humour subtil et un ton parfois un brin sarcastique. S'y ajoute un travail particulièrement soigné sur l'écriture, Flore Vesco utilise un langage ciselé flirtant avec l'ancien français tout en restant parfaitement compréhensible. Elle manie avec grand art les jeux de mots. C'est vivant, c'est imagé, c'est intelligent, drôle....
Et de l'humour, il y en a à foison ! 
Je ne résiste pas au plaisir de vous mettre une courte citation pour vous en donner un petit aperçu :

"Sous l’instruction de son bourgmestre, Hamelin était devenue une ville de grande modernité. 
Un exemple. Partout ailleurs dans le Saint Empire germanique, les citadins jetaient leurs eaux usées dans la rue, en criant : « À la mouscaille ! » Aussi n’était-il pas possible de sortir de chez soi sans recevoir au moins une fois sur la tête le contenu malodorant d’un pot de chambre. Alors qu’à Hamelin, une fois par an, lors d’une grande messe, le prêtre bénissait les caniveaux de la ville, les pots de chambre et les intestins de ses paroissiens. Par conséquent, les badauds qui se trouvaient compissés ou souillés par des ordures jetées depuis les fenestrous, recevaient en fait une onction sacrée qui participait au salut de leur âme." (page 13)

Tout en jouant ainsi avec le conte en le distordant, avec les mots en les ajustant, l'auteur glisse des thèmes importants dans son récit comme l'organisation de la société et la justice sociale, la place des femmes, la toute puissance de la religion.... le récit s'ancre entre passé et modernisme. 

J'ajouterai pour finir un petit mot sur le travail éditorial de L'école des loisirs, un très joli travail  qui sert à merveille le texte : une jolie couverture à rabat avec quelques brillances qui rappellent les enluminures, des lettrines en début de chaque chapitre et des petites flûte entre certains paragraphes. C'est du bel ouvrage ! 

Cette lecture a été un vrai coup de cœur.  J'avais déjà beaucoup aimé De cape et de mots, mais celui-ci encore plus, non seulement j'ai retrouvé mon âme d'enfant dans le plaisir du conte, un conte ingénieusement étoffé,  mais j'en ai savouré chaque ligne tant j'en ai aimé la plume, la verve, la truculence, l'humour, l'inventivité...
Je suis définitivement fan de Flore Vesco qui, à mon sens, est un des meilleurs auteurs jeunesse français et je ne peux que vous inviter à la lire !  

Mon appréciation

Demain, BBenlivre continue et ce sera le tour de  Coffee and books de vous offrir une vidéo sur sa chaîne.