Blog de chroniques de lectures variées et diverses :
Littérature - Polars/Thrillers - SFFF - Romances - BD....

samedi 31 juillet 2021

L'adversaire


 

Auteur : Emmanuel Carrère
Editions : Folio






Le 9 janvier 1993, Jean-Claude Romand a tué sa femme, ses enfants, ses parents, puis tenté, mais en vain, de se tuer lui-même. L'enquête a révélé qu'il n'était pas médecin comme il le prétendait et, chose plus difficile encore à croire, qu'il n'était rien d'autre. Il mentait depuis dix-huit ans, et ce mensonge ne recouvrait rien. Près d'être découvert, il a préféré supprimer ceux dont il ne pouvait supporter le regard. Il a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. Je suis entré en relation avec lui, j'ai assisté à son procès. J'ai essayé de raconter précisément, jour après jour, cette vie de solitude, d'imposture et d'absence. D'imaginer ce qui tournait dans sa tête au long des heures vides, sans projet ni témoin, qu'il était supposé passer à son travail et passait en réalité sur des parkings d'autoroute ou dans les forêts du Jura. De comprendre, enfin, ce qui dans une expérience humaine aussi extrême m'a touché de si près et touche, je crois, chacun d'entre nous.
Paru le 29 août 2002

Mon avis :

Qui n'a pas entendu parler de ce fait-divers à la fois terrible et fascinant, cet homme qui a trompé tous ses proches pendant 18 ans au point d'en arriver à assassiner toute sa famille lorsqu'il s'est senti acculé ? Comment peut-on entretenir l'imposture aussi longtemps ? C'est très intriguée que j'ai commencé cette lecture mais j'en suis ressortie mitigée...

Le récit d'Emmanuel Carrère est détaillé, circonstancié, il a correspondu et rencontré Jean-Claude Romand, il a assisté à son procès, a reconstitué minutieusement tout son parcours. La démarche est sincère, on sent une vraie volonté de comprendre mais pourtant au final le personnage reste flou et beaucoup de questions subsistent. 
L'auteur a opté pour une narration qui se veut objective et donc plutôt froide et détachée qui ne m'a pas apporté ce que j'attendais. C'est Jean-Claude Romand, fidèle à lui-même, qui semble-t-il a mené la danse, ne lâchant que ce qu'il a bien voulu sans garantie de vérité. Le mystère intime reste entier.. 

Un travail journalistique de qualité, une écriture agréable mais pour moi, la dimension psychologique n'est qu'effleurée et c'est ce que j'attendais le plus... 


Sur mon échelle : 📚📚📚

dimanche 25 juillet 2021

Herr Doktor: Un destin sans retour





Scénario : Jean-François Vivier
Illustrations : Denoël
Editions : Plein Vent




1940. Martin est médecin à Strasbourg. Sa femme, Élisabeth, est juive. Lors de l'invasion allemande, il l'envoie à Paris avec leur fille. Mais alors que les persécutions antisémites rendent la vie difficile dans la capitale occupée, Martin est engagé de force sur le front de l'Est. Ce destin familial dans la tourmente conduira Martin jusqu'à Berlin, en passant par le Berghof, sur les ruines d'un totalitarisme finissant. Entre son éthique et la réalité de la guerre, la ligne se révèlera étroite afin de rester humain dans l'inhumanité.
Paru le 21 avril 2021

Mon avis :

Les deux tomes de cette série (acte 1 - La peste et le Choléra - Acte 2 - Septicémie) ont été regroupés dans un seul album. Ils racontent l'histoire de Martin et sa famille pendant la seconde guerre mondiale.
Emporté dans l'Histoire, ce médecin alsacien marié à une juive tente dans un premier temps de sauvegarder les siens, puis lorsqu'il est incorporé d'office dans l'armée allemande (les malgré-nous alsaciens), il va tenter de combattre le nazisme avec ses propres armes... un personnage charismatique et engagé.

Une bande dessinée très documentée, aux graphismes classiques collant parfaitement au propos, pleine de détails et d'information sur les évènements de l'époque, sur le front de l'Est, sur le courage des anonymes... 
On y parle de la raffle du Val d'Hiv, de Hitler et de Eva Braun que Martin est amené à côtoyer de près, on y parle aussi des populations française, allemande, ukrainienne touchées par cette guerre meurtrière.

Le mélange entre réalité et fiction est parfaitement dosé, les auteurs se sont servis d'un épisode encore flou de nos jours pour construire une intrigue solide, mélangeant les genres : historique, espionnage avec un suspense grandissant dans la seconde partie.  

Une chouette découverte et une très bonne lecture !

Sur mon échelle : 📚📚📚📚


dimanche 18 juillet 2021

Le petit astronaute


 




Scénario et illustrations : Jean-Paul Eid
Editions : La Pastèque




"Je sais bien que Tom parle pas, mais s'il parle pas c'est seulement parce que ses paroles sont incapables de sortir par sa bouche. Alors elles restent dans sa tête et quand je colle mon oreille à la sienne, je les entends. Je suis la seule à qui il a raconté son histoire."

Juliette, 5 ans
Paru en janvier 2021

Mon avis :

Chaque année Juliette retourne dans le quartier de son enfance pour un petit pèlerinage afin de fixer ses souvenirs, de les empêcher de s'estomper.
Ce jour-là la maison est en vente et c'est visite libre, Juliette s'engouffre dans le passé et nous entraîne avec elle...

Quel joli album plein de nostalgie, qui raconte les petits bonheur du quotidien et l'arrivée de ce petit frère si singulier, si différent..
C'est avec ses yeux de petite fille qui ne saisit pas toutes les cruautés de la vie que Juliette se souvient de ce petit bonhomme terriblement attachant autour de qui toute la famille s'est resserrée pour mener un combat au jour le jour pour la tolérance...

Sensible, plein de pudeur et très réaliste sans jamais verser dans le pathos, l'auteur donne une vraie dimension poétique au récit qui s'attache à tous les détails depuis la naissance, l'arrivée dans la famille, le handicap et toutes ses répercussions parfois tragiques..... C'est avec un amour fou et à travers le regard de grande sœur attentionnée qui partage imaginaire et rêves avec Tom que les petits moments de vie nous parviennent parfois terribles mais toujours lumineux.....

Les dessins et les couleurs pastel sont superbes, ils concourent à créer une ambiance tendre et émouvante et dessinent une relation exceptionnelle entre un frère et une sœur sans oublier le texte qui, avec ses expressions québécoises, donne du relief et une dimension tangible à cette histoire.

C'est beau tout simplement ! 

Sur mon échelle : 📚📚📚📚

dimanche 11 juillet 2021

Jours de sable






Scénario et Illustrations : Aimée De Jongh
Editions : Dargaud




Washington, 1937. John Clark, journaliste photoreporter de 22 ans, est engagé par la Farm Security Administration, l’organisme gouvernemental chargé d’aider les fermiers victimes de la Grande Dépression. Sa mission : témoigner, grâce à la puissance d'évocation de la photographie, de la situation dramatique des agriculteurs du Dust Bowl. Située à cheval sur l’Oklahoma, le Kansas et le Texas, cette région est frappée par la sécheresse et les tempêtes de sable spectaculaires qui plongent les habitants dans la misère, poussant bon nombre d'entre eux à migrer vers la Californie. Mais au fil du temps, John comprend que, pour accomplir sa tâche, il devra surmonter un obstacle bien plus grand qu'un climat hostile. 
Paru le 21 mai 2021



Mon avis :

Un somptueux album tant au niveau des dessins que de l'histoire... un coup de cœur !

Lorsque John du haut de ses 22 ans se voit confier un vrai reportage photos, témoigner sur les difficultés des agriculteurs,  il y voit la chance de sa vie, enfin se faire reconnaître dans ce métier sur les traces de son propre père.
C'est plein d'enthousiasme qu'il entreprend le voyage vers le Dust Bowl, armé de la liste de suggestions de clichés qu'on lui a remis.

Sur place, au fil des jours, des rebuffades, des rencontres, des amitiés, des drames qui se jouent devant lui, le jeune homme prend conscience de la dure réalité de ses familles frappées par la crise économique mais aussi par les conditions climatiques extrêmes. Le sable le jour et la poussière la nuit recouvrent tout, empêchant toute culture.
Misère, maladie, morts se succèdent dans ces paysages quasi désertiques couleur ocre et John peu à peu se questionne sur l'intérêt de son action, sur la réalité impossible à rendre sur quelques instantanés figés, parfois même mis en scène. 

Un récit profond, humain sur une période de l'histoire des Etats-Unis, mais aussi sur le cheminement intime d'une jeune homme bouleversé par les situations qu'il rencontre et sur les limites des reportages-photos...

Les dessins sont somptueux, les paysages saisissants de réalisme, les personnages expressifs souvent bouleversants, des situations tragiques esquissées au bord d'une route. L'auteur a su créer une atmosphère lourde, pesante avec ses couleurs, ses choix de découpages de plans, la précision des détails qui racontent plus que des mots. 

Quelques photos d'époque viennent se glisser entre les chapitres ainsi qu'en fin d'ouvrage (avec quelques précieuses indications), et donnent une résonnance historique palpable au récit. 

A lire et relire à discrétion ! 


Sur mon échelle

dimanche 4 juillet 2021

Bluebells Wood


 




Scénario et illustrations : Guillaume Sorel
Editions : Glénat




Depuis la disparition de sa femme, William vit reclus dans sa maison située entre une côte brumeuse et une forêt aux allures de conte de fées. Incapable de se reconstruire, il mène une existence solitaire et sans saveur, ne parvenant à se réfugier que dans la peinture. Ses seules visites de l’extérieur sont Victor, son ami et agent, et Rosalie, sa jeune modèle. Jusqu’au jour où William fait la rencontre d'une créature aussi belle que farouche et pour laquelle il nourrit des sentiments contradictoires : une sirène. Mais est-elle seulement réelle ? Ou ne s’agit-il que d’une illusion venue pour remplacer le fantôme de sa femme disparue ?
Paru le 25 avril 2018


Mon avis :
Dans une petite maison isolée entre plage et forêt, William traîne son blues depuis sa rupture avec Helena. Pour occuper son temps, il peint mais peu importe le modèle, c'est toujours les traits d'Helena qui se dessinent sous ses pinceaux. Seuls, Rosalie qui pose pour lui et Victor son ami viennent troubler sa solitude. Mais un jour, lors d'une sortie en mer, il rencontre une sirène aussi belle que sauvage. L'histoire qui ne va pas sans évoquer celle d'Andersen ne fait que commencer ....

Quel superbe album ! Les dessins et les couleurs sont magnifiques et les pages alternent entre horreur et poésie. Guillaume Sorel a su distiller une touche de fantastique au milieu de détails réalistes dès le début avec cette belle forêt dense et pleine de mystères, fantastique qui ne fait que croitre au fil des pages. Rêve ou réalité, on oscille constamment entre les deux et le peintre s'enfonce dans une histoire pleine de sensualité et de fureur ou les scènes épiques succèdent au moments intimes. 

Suspense, violence, instants de grâce, le scénario réserve quelques jolies surprises dont la fin très réussie.
Et j'ajoute une mention spéciale pour la préface de Pierre Dubois et pour les planches supplémentaires en fin d'album, vraiment superbes ! 

Sur mon échelle : 📚📚📚📚


vendredi 2 juillet 2021

Patiente

 




Auteur : Vincent Ortis
Editions : Robert Laffont
Collection : La Bête Noire





La vérité se trouvait dans mon cerveau, mais je n'y avais pas accès.
Toute la période qui précédait et suivait le suicide de ma fille avait disparu de ma mémoire. La cause en était le choc émotionnel. Or depuis peu, le coffre-fort dans mon cerveau se déverrouillait lentement. J'avais des flashs. Et avec eux surgissaient des questions qui m'épouvantaient. Ces visions, contradictoires comme de faux souvenirs, étaient-elles la conséquence de mon nouveau traitement, mêlant hypnose et médicaments ? Ou est-ce que je cachais au plus profond de moi des secrets intolérables ?
Paru le 3 juin 2021

Mon avis :

J'avais beaucoup aimé le livre précédant de l'auteur, grand prix des enquêteurs 2019 et c'est avec impatience que j'attendais ce nouveau polar. Sitôt reçu sitôt commencé, je l'ai avalé dans la journée, un roman captivant de bout en bout.

Lucas Saunier est médecin, propriétaire d'une clinique à Nice. Sa vie est dévastée depuis que sa fille unique Chloé s'est suicidée à 14 ans, il y a déjà 6 ans de ça. Après toutes ces années, il a bien du mal à faire son deuil, rongé par une sourde culpabilité et frappé d'une amnésie partielle concentrée sur les semaines avant et après le drame.
Comment avancer en étant incapable de se souvenir des derniers moments avec sa fille et ce manque l'obsède et l'empêche de reconstruire sa vie et de bâtir une vraie relation avec Emma sa compagne du moment.
Il est suivi par son ami et psychologue Max qui tente hypnose et traitements pour l'aider à retrouver ses souvenirs et les dépasser.

Dans sa clinique, une jeune fille de 16 ans, Mia, accapare toute son attention. Violée par plusieurs hommes, elle refuse toute visite, tout contact, toute communication. Elle s'est murée dans le silence.
Lucas, après ce qu'il vit comme un échec avec sa fille, se donne quasiment pour mission de l'aider, une façon de se pardonner et d'avancer. Lorsqu'elle accepte enfin de parler, de se confier à lui, les noms qu'elle lui donne, les démarches qu'il entreprend déclenchent de vagues réminiscences aussi inattendues que terrifiantes ! Il se retrouve plongé dans une sordide histoire inimaginable où les morts se succèdent.

Un vrai suspense s'installe entre l'histoire de Mia et celle de Chloé qui étonnamment se croisent, entre ce qui s'est réellement passé et ses flashs de souvenirs parfois incompréhensibles, ses soupçons, ses réminiscences contradictoires.... Le lecteur est perdu tout autant que Lucas, narrateur à la première personne, et suit avec un intérêt constamment renouvelé, ce père en proie aux doutes et à l'angoisse. 

Le récit est extrêmement bien construit, rien n'est linéaire. L'auteur explore les méandres de l'esprit dans un jeu subtil entre mémoire, flashs visuels, médicaments, hypnose, subconscient, réalité ou manipulation mentale.. une enquête à rebondissements, pleine de surprises et où chaque détail qui pouvait paraître insensé trouve sens au final.

Une mention spéciale pour Olga, secrétaire dévouée touchante d'abnégation et de solitude, un personnage secondaire pétri d'humanité.

Un grand merci à Robert Laffont et La collection La Bête Noire 


Sur mon échelle : 📚📚📚📚