Blog de chroniques de lectures variées et diverses :
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samedi 22 février 2020

Ornicus





Auteur : Gabrielle Boyer
Editions : Librinova




Stefan Brama et Sacha Apolline s’emparent de l’enquête de la disparition de Louis, garçonnet de 8 ans, disparu un soir de vacances. Enchaînant rapidement les auditions des voisins, aucune véritable piste n’en ressort et les deux policiers sont particulièrement perplexes face à l’attitude de la mère. Alors que Stefan voudrait bien se débarrasser de l’enquête, Sacha s’investit comme il peut, touché par la détresse de Jeanne, jeune sœur de Louis.
Ce mois d’août 2017 va faire basculer certains destins, là où un autre reste inéluctablement hanté par la mort.
Paru le 19 juin 2019

Mon avis :

Louis a 8 ans, Louis a disparu brusquement dans la rue alors qu'il jouait au ballon avec les enfants du voisinage.....
Sacha Apolline et Stefan Brama sont chargés de l'affaire et ils se heurtent très vite à l'étrange passivité de la mère, au silence suspect de la sœur. Commence alors une enquête minutieuse auprès des voisins, une enquête quasi en huis clos sur ce bout de rue où quelques familles vivent. Viennent s'insérer quelques chapitres en vers libres, qui peu à peu prennent sens en avançant dans l'histoire.
Le roman est très court, 167 pages, je ne vais pas m'étendre sur l'intrigue plus avant au risque de trop en dire....

J'ai beaucoup apprécié l'enquête de terrain, les interrogatoires successifs qui distillent un vrai doute sur différents personnages tour à tour - je n'ai pas deviné qui était le coupable !-, ainsi que la personnalité contrastée des deux policiers, Chacun a ses faiblesses et ses forces et l'on s'attache assez rapidement à ce duo d'autant plus que l'auteur a choisi d'insérer leurs réactions intimes en italique, ils deviennent plus proches encore. Les très nombreux dialogues rendent le récit alerte.

L'intrigue est prenante mais la fin ne tient pas toutes ses promesses... non pas parce que le dénouement n'est pas à la hauteur, les idées sont vraiment très intéressantes mais l’ellipse de temps laisse un goût d'inachevé et de précipitation. Je pense que certains épisodes extrêmement importants auraient mérité un vrai développement, notamment ceux sur les inspecteurs. L'effet dramatique en est amoindri alors qu'il aurait du être extrêmement puissant. Il y avait matière à étoffer le livre d'une bonne centaine de pages.

Il n'en reste pas moins que la lecture a été agréable et que je suis curieuse de lire le tome 2 que laisse présager l'auteur.

Un grand merci à Gabrielle Boyer pour sa confiance.

Mon appréciation📚📚📚,

jeudi 20 février 2020

La septième croix





Auteur : Anna Seghers
Editions : Métailié





Sept Allemands opposants au nazisme se sont enfuis d'un camp. Un formidable appareil policier est mis en branle pour les retrouver. Un seul des sept, Georg Heisler, aidé par les efforts tâtonnants de ses amis de jeunesse, parvient à passer en Hollande grâce à l'organisation rudimentaire de la résistance et à la solidarité ouvrière mondiale. La septième croix qui l'attend au camp de concentration reste vide. Et c'est la brèche qui laisse un passage à d'immenses espoirs. Ce roman, dont l'action se déroule en Rhénanie, constitue une somme des expériences vécues par divers acteurs de toutes les classes de toute la société allemande des années 1930.
Paru le 23 janvier 2020

Mon avis :

Un livre fort qui reste vivant une fois refermé... un vrai témoignage de l'Allemagne des années 30 écrit en 1942 par un auteur allemand ayant du fuir le pays. Il y a une incontestable authenticité, une lucidité et une grande humanité dans ce récit.

Dans les années 30, l'Allemagne nazie a commencé à purger ses citoyens des adversaires du régime en place. Des camps sont mis en place, prémices des camps de concentration, tortures, morts y sont légions. Sept prisonniers du camp de Westhofen parviennent à s'échapper et une véritable chasse à l'homme commence. Sept croix sont élevées en attente dans le camp, terribles promesses pour chacun d'eux qui sera repris...

Ce sont des hommes aux abois que l'on suit, des hommes qui n'ont plus rien à perdre et qui s'accrochent à chaque moment pour survivre dans un monde hostile où ils ne peuvent pas savoir sur qui  compter. Et s'il est bien question de chacun de ces évadés, c'est Georg que l'on accompagne plus particulièrement et Anna Seghers nous raconte sa fuite éperdue dans une solitude abyssale, en proie à la fatigue, la faim, la peur au milieu d'une population qui continue à vivre tranquillement son quotidien, population dont peu à peu se détachent des individualités. C'est avec beaucoup de finesse que l'auteur dessine ces différents personnages dont les actes auront des répercussions sur les fugitifs.  Dans un pays où les libertés sont bafouées et où la dictature règne, les hommes et les femmes rencontrés réagissent de diverses façons entre peur, instinct de survie, lâcheté, traîtrise, courage, prise de conscience, résistance...
La mort est omniprésente et le récit s'étire dans un suspense croissant au fur et à mesure de la reprise des évadés. Un véritable thriller poignant oscillant entre espoir et désespoir.

L'écriture de ce roman est dense avec très peu de dialogues directs, avec de nombreuses  introspections, des descriptions, des souvenirs. C'est une plume sensible et pleine de finesse qui donne à ressentir et qui crée des atmosphères. Il y a la menace de la mort qui plane et il y a les petits riens quotidiens comme le souffle du vent, le son d'une cloche, la vue d'un ciel que les fugitifs perçoivent avec une perception accrue  Quelques moments sont particulièrement marquants comme l'interrogatoire de Wallau ( quel passage incroyable !.... inoubliable ! ) ou encore le jeune homme ayant perdu sa veste qui prend peu à peu conscience de ce qu'implique son témoignage et qui prend des décisions sans jamais se l'avouer directement ... il y a une vraie puissance d'évocation de l'âme humaine.

Je remercie Babelio et les éditions Métailié pour cette belle lecture ! 

Mon appréciation📚📚📚📚,

mercredi 12 février 2020

Allegheny River





Auteur : Matthew Neill Null
Editions : Albin Michel



Dans Allegheny River, animaux et humains cohabitent au fil du temps, dans un équilibre précaire, au sein d'une nature ravagée par la main de l'homme. Tour à tour épique et intimiste, c'est un univers de violence et de majesté qui prend vie sous la plume lyrique et puissante de ce jeune écrivain. Ce livre, récompensé par le prix Mary McCarthy, acquiert une dimension universelle, car si le monde qui y est décrit peut nous sembler lointain, une chose est certaine : il s'agit bien du nôtre.
Singulières et puissantes, ces nouvelles, ancrées dans la région des Appalaches, résonnent d'une inquiétante actualité.
Paru le 2 janvier 2020

Mon avis :

Allegheny River est un recueil de 9 nouvelles de Matthew Neill Null, un auteur que je ne connaissais pas et que j'ai eu le grand plaisir de découvrir grâce à un partenariat avec le Picabo River Book Club. Un grand merci à Léa et aux Editions Albin Michel pour cette jolie découverte.

Neuf nouvelles très différentes mais qui toutes convergent autour de Allegheny River et sa région.
D'une plume pleine de poésie, l'auteur dépeint la beauté des lieux et l'empreinte qu'y laissent les hommes, la rudesse de la vie dans ces contrées sauvages. A travers différents récits, parfois tendres, parfois cruels, il célèbre la nature et ses animaux, ours, poissons.... il autopsie l'indifférence ou la bassesse de certains hommes, la loyauté ou le dépassement de certains autres, et surtout leur difficulté à s'intégrer dans ce milieu sans l'abîmer. La nature prend des coups mais elle sait se rebiffer avec brutalité parfois, restant difficile à dompter...

L'art de la nouvelle est un art particulièrement difficile et  l'auteur le maîtrise à la perfection, chaque courte histoire met en lumière un paysage particulier, des hommes confrontés à cet environnement souvent hostile et chacune est parfaitement aboutie avec son lot de surprises, d'émotions, de violence.... Quelques-unes auront ma préférence, celles qui se situent sur la rivière tumultueuse et meurtrière : La saison de Gauley et La lente bascule du temps. Des petits chefs d'oeuvre de  poésie et de cruauté.

Un auteur à suivre assurément !

Mon appréciation📚📚📚📚






jeudi 6 février 2020

Tel père telle fille




Auteur : Fabrice Rose
Editions : Robert Laffont
Collection : La Bête Noire




Un braqueur en cavale.
Sa fille en danger de mort.
Le casse de l'été.
Visite au parloir de la maison d'arrêt de Fresnes. Alexandra, vingt-quatre ans, exige de son père l'impensable : qu'il abandonne sa vie de braqueur et devienne le père dont elle a toujours rêvé. Mais comment résister à une existence dopée à l'adrénaline ?
Deux mois plus tard, Marc Man s'évade. Contrairement aux apparences, pour Alexandra, c'est un coup de chance : quand Marc apprend qu'elle est menacée par une bande de racketteurs fous dangereux, il organise une chasse à l'homme d'une rare férocité. Et, tant qu'à faire, il monte un casse spectaculaire.
Dans la canicule d'août, chacun révèle sa vraie nature et les cadavres commencent à s'aligner.
Paru le 16 janvier 2020

Mon avis :

Encore une belle découverte chez La Bête Noire que je remercie vivement !
Quel livre original ! Original dans le propos terriblement actuel  : deux mondes que l'on n'a pas l'habitude de mettre ensemble qui s'affrontent. Original dans la forme avec un choix narratif audacieux et totalement maîtrisé.
Il y a en outre une véritable authenticité dans le récit, l'auteur sait parfaitement de quoi il parle tant dans les faits violents, brutaux que dans les émotions plus subtiles, parfois à peine ébauchées mais toujours sensibles....

Alex, au centre de l'histoire, est fille de braqueur. Sa vie est totalement impactée par l'absence du père et les visites au parloir. Son petit ami Ludo, lors d'une arrestation pour un fait bénin, profite du tumulte du commissariat et s'échappe en volant au passage une voiture de flic. Il ne sait alors pas qu'à son bord il y a un sac contenant la Zakat d'une organisation djihadiste. Comme un sale gosse fait une mauvaise blague, il se gausse de la situation et n'a pas conscience qu'il vient de signer son destin..... Il place l'argent chez Alex qui va ainsi devenir la cible des djihadistes...

Son père, en cavale et en pleine préparation d'un nouveau casse ne va pas laisser sa fille en danger sans intervenir et c'est avec ses compagnons et amis, Driss, Paco le Gitan..., qu'il va venir s'interposer entre elle et ses poursuivants.
S'en suit une impressionnante opposition entre deux mondes totalement différents et la police ne fait qu'une pale figuration dans l'histoire.....

D'un côté l'on a les braqueurs, criminels endurcis mais avec un véritable code d'honneur. Entre eux, c'est la parole donnée, la loyauté... Ils sont implacables, capables de se salir les mains mais ils ont le sens de la valeur d'une vie et leur violence n'est pas gratuite. Ce sont des bandits à l'ancienne, qui ne vont pas sans rappeler ceux des films français en noir et blanc des années 60 qui faisaient preuve d'honneur....
De l'autre côté, il y a les djihadistes. Entre faux Imam, asocial embrigadé, magouilleurs etc.... ils ne sont qu'étroitesse d'esprit, méfiance, trahison, et pure violence.... c'est sanglant, extrêmement sanglant même, on torture, on égorge, on coupe des têtes etc.... et la fin... OMG ! quelle fin !

Cette violence omniprésente n'est jamais pesante grâce à la plume de l'auteur qui a choisi une langue orale, vivante, familière, pleine de punch, parfois vulgaire.. C'est déroutant de premier abord mais très vite on perçoit la parfaite maîtrise avec les différents niveaux de langage subtilement employés selon les protagonistes....   Il manie les expressions détournées, les métaphores avec brio. D'une écriture incisive, phrases courtes, parfois nominales, il varie les points de vue, l’instantanée des pensées intimes, et laissent affleurer des propres convictions au sujet des religions, sur la nature humaine, la famille, la filiation...il y a beaucoup de très beaux passages sur la relation père-fille, tout en finesse, faits de révolte, de silence étourdissant, de déclaration inachevée, mais d'amour toujours !

Le récit est particulièrement alerte et les événements se succèdent à un rythme effréné, jusqu'à la toute fin.... OMG !  cette fin !

Outre l'intrigue, les personnages sont très denses, détestables ou terriblement attachants, parfois contrastés.... Alex, à fleur de peau, la fois forte et pleine de fragilité, le père pétri de culpabilité et implacable dans ses décisions, et Ludo.... ah Ludo, quel joli personnage ! Il quitte la scène très tôt et pourtant il reste un personnage essentiel... il y a de la poésie chez lui dans le contraste entre son immense culture, ses envolée littéraires, philosophiques ou politiques et sa rébellion d'éternel ado. Quelle force chez lui , quelle lucidité !

Ce n'est pas un coup de cœur mais c'est une très jolie lecture encore une fois et cette fin ! OMG ! Inoubliable ! ....

Mon appréciation📚📚📚📚