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vendredi 14 septembre 2018

Comme un seul homme




Auteur : Daniel Magariel
Editions : Fayard
Collection : Littérature étrangère





Le combat fut âpre. Mais, ensemble, le narrateur, un garçon de douze ans, son frère aîné et leur père ont gagné la guerre – c’est ainsi que le père désigne la procédure de divorce et la lutte féroce pour la garde de ses fils. Ensemble, ils prennent la route, quittant le Kansas pour Albuquerque, et un nouveau départ. Unis, libres, conquérants, filant vers le Nouveau-Mexique, terre promise, ils dessinent les contours de leur vie à trois.
Les garçons vont à l’école, jouent dans l’équipe de basket, se font des amis, tandis que leur père vaque à ses affaires dans leur appartement de la banlieue d’Albuquerque. Et fume, de plus en plus – des cigares bon marché, pour couvrir d’autres odeurs. Bientôt, ce sont les nuits sans sommeil, les apparitions spectrales d’un père brumeux, les visites nocturnes de types louches. Les garçons observent la métamorphose de leur père, au comportement chaque jour plus erratique et violent. Livrés à eux-mêmes, ils n’ont d’autre choix que d’endosser de lourdes responsabilités pour contrer la défection de leurs parents, et de faire front face à ce père autrefois adulé désormais méconnaissable, et terriblement dangereux.
Daniel Magariel livre un récit déchirant, éblouissant de justesse et de délicatesse sur deux frères unis dans la pire des adversités, brutalement arrachés à l’âge tendre. 
Paru le 22 août 2018

Mon avis

Tout d'abord un grand merci aux éditions Fayard et à Léa du très chouette groupe Picabo River Book Club  pour ce premier partenariat. 
Une lecture dure, parfois éprouvante, mais aussi une lecture prenante et poignante..

Le narrateur est un jeune garçon qui vit avec son père et son frère aîné, il raconte la séparation des parents, le nouveau quotidien.... Ce qui est frappant c'est qu'il n'y a pas de noms, il désigne toujours les autres par leur nature : mon père, mon frère, ma mère comme si les liens familiaux étaient plus importants que les individus propres
Le divorce est dur, violent même et le père vient d'obtenir la garde de ses deux garçons et c'est heureux tous les trois qu' ils partent vers le nouveau Mexique, vers une nouvelle vie...

Mais peu à peu l'atmosphère se charge de tension, le comportement du père commence à changer. De plus en plus souvent les fils doivent faire front pour gérer un quotidien de plus en plus difficile, avec un père absent, incohérent parfois, violent même....
J'ai été frappée par le regard du jeune garçon sur son père, il y a cet amour fou avec un besoin de reconnaissance terrible, il est prêt à tout pour l'obtenir  ... mais peu à peu on le voit prendre conscience des failles de cet homme qu'il portait aux nues.

Le huis clos est étouffant, il y a très peu d'interaction avec les autres, l'extérieur, et à chaque fois c'est dur et tendu, le père sabote chaque relation, chaque possible. Et le trio se referme une fois de plus sur lui dans une vraie solitude.
Peu à peu la manipulation du père transparaît , tellement bien rendue. Cet homme finalement très faible tient toute sa famille sous sa coupe et règne en véritable tyran, tout est ambivalent chez lui, il prône le droit à l'intimité en frappant à la porte de leur chambre avant d'entrer mais il leur refuse toute pensée ou décision propre. Il joue sur l'attachement de ses enfants, tente de les monter l'un contre l'autre, les deux contre la mère, leur retourne la tête dans des discours qui touchent à chaque fois une corde sensible. C'est extrêmement touchant de voir ses adolescents se rendre compte que leur père n'est pas le héros qu'ils croyaient mais continuer à s'accrocher malgré tout à cet homme qu'ils n'arrivent pas à "désaimer" dans un premier temps. La violence est toujours sous-tendue et lorsque le quotidien se dégrade fortement elle domine jusqu'à LA scène insupportable.... 

Dans toute cette noirceur, il y a la belle connivence entre les deux frères particulièrement attachants, cet amour qui se construit plus fort encore dans l'adversité malgré les manipulations odieuses du père... Entre eux, il y a cette entraide, cette confiance que rien ne pourra détruire, et puis l'espoir qu'à deux ils pourront s'en sortir. 

Quelques contacts subsistent avec la mère démissionnaire. Il y a des pages terribles sur leur passé commun, on mesure jusqu'où l'impact de la peur et le besoin de reconnaissance ont amené les enfants. J'ai été particulièrement touchée par le fait que le narrateur n'ose plus la contacter  parce qu'il sait que ce qu'il a fait est impardonnable. Comment se construire avec de tels sentiments ?

J'ai beaucoup aimé la toute fin, ce petit épilogue en flash-back sur un instantané, un moment de grâce où tous les possibles s'ouvraient... très émouvant quand on a lu tout le récit et que l'on sait comment les rêves se sont fracassés sur une dure réalité.

Une écriture très directe, des phrases courtes percutantes, un regard sans concession qui déroule un drame que l'on pressent de plus en plus arriver. 
Une très belle lecture, forte, violente mais d'une grande justesse sur les ressorts d'une relation père-fils où les enfants n'ont que le droit d'être les ombres du père, relation toxique et dominatrice particulièrement bien illustrée par la très belle couverture.

Je suis ressortie bouleversée de cette histoire, par la justesse du propos, par la violence faite aux enfants... et j'ai apprécié le dénouement ouvert qui laisse chacun s'emparer de l'histoire.

Mon appréciation📚📚📚📚





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