Auteur : Michelle Good
Editions : Seuil
Canada, fin des années 1960. Des milliers de jeunes autochtones, libérés des pensionnats, essaient de survivre dans le quartier d'East Vancouver, entre prostitution, drogue et petits boulots.
Il y a Maisie, qui semble si forte ; la discrète Lucy, épanouie dans la maternité ; Clara, la rebelle, engagée dans l'American Indian Movement ; Kenny, qui ne sait plus comment s'arrêter de fuir, et, enfin, Howie, condamné pour avoir rossé son ancien tortionnaire.
D'une plume saisissante, Michelle Good raconte les destins entremêlés de ces survivants. Un roman choral bouleversant.
Paru le 10 mars 2023
Mon avis :
C'est toujours un petit bonheur de découvrir le premier livre d'une nouvelle collection. La collection « Voix autochtones » chez Seuil donne la parole à tous les Peuples Premiers qui en ont été privés pendant si longtemps. Ici les autochtones du Canada, ceux qui ont connu les "pensionnats".
J'ai découvert avec effroi il y a quelques temps déjà ces pensionnats de la honte avec le magnifique roman "Jeu blanc" de Richard Wagamese. Dans celui-ci, Michelle Good s'attache avant tout sur l'après. S'il y a bien quelques passages très durs sur leur séjour lorsqu'ils étaient enfants auprès des religieux afin de bien mesurer le traumatisme irréversible, ce sont les adultes que l'on suit, leur quotidien à chacun ...
Quel livre ! Tellement révoltant !
Maisie, Kenny, Lucy, Clara, Howie, cinq chemins de vie à la fois si semblables et si différents. Ce sont des survivants dont les blessures profondes restent vives et chacun tente de s'en sortir au mieux sans pouvoir échapper qui à la drogue, qui à l'alcool, qui à la prostitution, qui à l'humiliation.
Cinq vies brisées qui se débat avec ses propres fantômes
- Maisie, tellement bousillée qu'elle ne sait plus se donner sans que ce soit glauque, sale, qui ne sait comment accepter l'affection de Jimmy.
- Kenny, peut-être celui qui m'a le plus touché, j'ai eu tellement d'empathie pour lui, enfant sa volonté farouche de fuir, il ne pourra plus jamais faire que ça. Il ne s'aime pas assez pour laisser les autres l'aimer et pourtant il donne tant...
- Lucy qui est mise à 16 ans dans un bus vers Vancouver sans accompagnement, la violence psychologique que ça représente, la proie qu'elle devient immédiatement.
- Howie qui a frôlé la mort, que sa famille a réussi à sauver et qui droit dans ses bottes tient tête aux autorités pour refuser de regretter d'avoir passé à tabac son bourreau.
- Clara, écorchée, révoltée qui trouve refuge dans le combat au sein de l'American Indian Movement.
On suit chacun d'eux dans des chapitres spécifiques, mais ils se croisent, s'entraident, se soutiennent.... sans jamais évoquer le passé, ce passé qu'il faut oublier, tellement destructeur et qui pourtant reste bien ancré au fond de soi. Ils se comprennent sans avoir besoin de mots. Il y a des passages magnifiques entre eux, pleins de souffrance, de silence et pourtant pleins d'espoir. Avancer, se reconstruire, se retrouver, se faire comprendre de la jeune génération très vindicative qui ne peut imaginer.
Il y a surtout le retour en arrière impossible, même lorsque l'on rejoint enfin sa famille, les années ont détruit les liens, chacun a évolué de son côté et les retrouvailles sont tellement décevantes. J'ai eue cœur brisé par ce gâchis incommensurable.
Et puis il y a ceux qui ont la chance de faire la rencontre essentielle, Mariah avec laquelle on entrevoie un chemin vers la guérison en retrouvant ses racines, il faut réapprendre à être indien, s'écouter, retrouver des rites essentiels, se laver intérieurement, se pardonner.
Mais pour vraiment dépasser cette enfance martyre, il est nécessaire d'affronter les souvenirs , les remonter à la surface pour demander justice, pour faire éclater une vérité trop longtemps ignorée, certains ne pourront pas le supporter.
Un livre dévoré, d'une violence psychologique incroyable, qui met à nu les conséquences gravissimes de la politique canadienne envers les autochtones, ses manques, le racisme toujours présent.
Un livre à lire absolument, pour ne jamais oublier, pour entendre ces voix qu'on a tenté d'étouffer, d'assassiner.
Sur mon échelle : 📚📚📚📚 +
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